Le site de la Chaire d’études Europe-Russie de l’UCLouvain

Editorial

Turbulences

Chers lecteurs,

Cet éditorial inaugure la revue Europe.Russie.Débats.

En ce début d’année, le fossé se creuse entre l’UE et la Russie. Les révélations d’Alexei Navalny depuis l’été 2020 ont déclenché l’indignation des États occidentaux qui ont successivement adopté des mesures ciblées et mis en place un régime européen de sanctions lié au respect des droits de l’Homme. Nombreux sont ceux qui, dans l’ « Occident collectif », appellent à une coercition accrue sur la Russie sans pour autant s’accorder sur les modalités d’une telle pression. Les points de vues divergent, et les dossiers contentieux prolifèrent : les mémoires écorchées de l’intermarium, les enjeux stratégiques de l’acheminement du gaz russe en l’Europe, ou encore les rivalités politiques et sociales aux marges orientales de l’UE risquent de porter le coup de grâce à cette relation déjà éreintée. Côté russe, l’atmosphère tend vers la rupture avec le partenaire européen désormais qualifié de peu fiable. La Russie entend mener seule le défi politique de son opposition domestique et gérer en autarcie les tensions qui mèneront aux législatives de septembre 2021.

Ces dossiers brûlants émergent dans un contexte géopolitique fragile. L’influence russe dans son ancien empire recule tandis que l’Europe peine à dégager les contours d’une action coordonnée. Entre Moscou et Kiev, le torchon brûle avec d’autant plus de vigueur que la région du Donbas s’enfonce dans la crise et que le gouvernement consolide ses remparts contre les stratégies hybrides du voisin russe. Au Bélarus, le régime de Loukachenko et l’opposition démocratique menée par Svetlana Tsikhanouskaïa sont engagées dans un bras de fer qui promet d’embraser l’année naissante. Dans le Caucase, la diplomatie russe a certes joué un rôle décisif, mais elle doit désormais compter avec la puissance turque pour dessiner les contours d’une solution durable. De l’autre côté de la Mer Noire, enfin, l’élection de la candidate pro-européenne Maia Sandu à la présidence moldave annonce d’inévitables tensions pour le contrôle de la Transnistrie.

Ainsi, la région que l’on appelle encore de manière légèrement désuète « l’espace post-soviétique » quitte progressivement le purgatoire du « post » et se dirige vers un nouveau destin, emportant avec lui l’ensemble du continent. La revue Europe.Russie.Débats se propose d’accompagner les turbulences à venir, de présenter la diversité des vues à l’égard de cette région où l’histoire n’a pas dit son dernier mot.  
@Laetitia Spetschinsky & Victor d’Anethan

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