Les mois de novembre et décembre 2022 sont marqués par une campagne russe de destruction systématique des infrastructures stratégiques visant à briser la résistance ukrainienne à l’orée de l’hiver. Ce développement pousse les capitales européennes à avancer avec détermination sur plusieurs dossiers difficiles et controversés : la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression et la confiscation des avoirs gelés pour alimenter le fonds de reconstruction de l’Ukraine, mais aussi la mise en pratique de l’embargo pétrolier et l’adoption d’un neuvième paquet de sanctions.
L’annexion de quatre régions ukrainiennes par la Russie, le 30 septembre, a ranimé la cohésion politique de l’Union européenne et ouvert la voie à l’adoption d’un huitième paquet de sanctions alors que les partenaires arrivaient au bout de leurs capacités coercitives. En revanche, sur les dossiers socio-économiques, l’Union ne peut masquer ses dissensions. Les conséquences du conflit touchent désormais le cœur des intérêts européens, comme en témoignent les négociations en flux tendu sur les moyens de protéger les économies nationales. Après 8 mois de guerre, la question fondamentale est de savoir comment maintenir la pression sur le Kremlin, et comment continuer à soutenir l’Ukraine dans la durée.
En ce début d’automne, tous les regards sont tournés vers l’hiver qui approche. Les regards européens, ébranlés par l’absence quasi totale de gaz russe dans leurs usines et leurs foyers. Les regards ukrainiens, qui pensent au terrain bientôt boueux, bientôt gelé qu’il faudra regagner mètre après mètre. Les regards de tous ceux qui pensent que Vladimir Poutine ne « bluffe » pas lorsqu’il brandit l’arme nucléaire pour s’accaparer quatre morceaux de territoire étranger. Le mois de septembre résonne d’un seul mot d’ordre : tenir plus longtemps que l’adversaire. Pour l’Europe, il s’agit de tenir jusqu’à l’épuisement des forces russes qui se démobilisent plus qu’elles ne se mobilisent, ou jusqu’à cette révolution de palais qui ne vient pas (encore) du côté espéré. Pour la Russie, il s’agit de tenir jusqu’à ce que les sociétés européennes, paupérisées et congelées, se lassent de soutenir l’Ukraine. Lorsque tenir une heure de plus que l’ennemi devient une stratégie, le reste — les sanctions, les visas, les enquêtes internationales — devient l’expression de la patience stratégique.
Si les crises ont prouvé leurs vertus dans certains cas – en éveillant les consciences et en renforçant les solidarités – la « permacrise » pousse aujourd’hui l’Union dans ses retranchements. Les Vingt-Sept ne peuvent aller plus loin dans la coercition économique l’encontre de la Russie, mais renforcent les mécanismes et appellent à la « patience stratégique ». Sur les enjeux énergétiques et de sécurité, les fractures sont profondes mais l’on perçoit toutefois une volonté ferme de trouver la voie du compromis pour préserver la cohésion. Europe.Russie.Debats passe en revue les différents dossiers qui ont marqué les mois de juillet et août dans les domaines de la coercition à l’encontre de la Russie, de la résilience européenne, du soutien à l’Ukraine, et dans divers autres dossiers d’importance pour le voisinage oriental de l’Union.
Entre le 3 et le 23 juin, l’Union a façonné deux compromis importants – l’un, sur le sixième paquet de sanctions et l’autre, sur les conditions d’une adhésion future de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie. Dans ce même intervalle, elle a subi l’effet revers de ses propres sanctions et la diminution des approvisionnements en gaz qui frappe l’espace européen de Copenhague à Syracuse. A travers la tourmente, l’Union a toutefois réussi à renforcer ses capacités réelles en termes humanitaires, économiques et judiciaires. Recentrage, renforcement et résilience s’imposent en ce début de présidence tchèque comme des priorités vitales pour maintenir une présence utile aux côtés de l’Ukraine.