L’actualité euro-russe du mois de mai est dominée par quatre grands dossiers: le sixième paquet de sanctions européennes qui franchit enfin l’obstacle du pétrole russe, le travail juridique sur la confiscation des avoirs gelés en vue de la reconstruction de l’Ukraine, l’avis de la Commission sur la candidature de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l’UE, et l’urgence alimentaire, où les obstacles administratifs et logistiques qui entravent l’exportation des produits agro-alimentaires se doublent d’un combat inégal entre les narratifs européen et russe sur la responsabilité de cette tragédie imminente.
Les massacres perpétrés dans la région de Kiev, révélés le 1er avril à la faveur du désengagement russe, ont déclenché des réponses fermes de la part de l’UE à divers niveaux : au niveau de la coercition économique, au niveau de la lutte contre l’impunité, au niveau du soutien à l’Ukraine, mais également, dans une vision plus globale, au niveau de la résilience de l’Union. Le mois d’avril apparaît rétrospectivement comme un mois de transition entre deux trains de sanctions : celui du 8 avril, qui amorce l’offensive européenne sur les énergies, et celui de début mai, qui vise le cœur – mais pas encore l’écosystème – de la rente pétrolière russe.
Le Chancelier Scholz a été très clair au Bundestag: en précipitant la décision d’un embargo gazier, l’Europe risque de précipiter l’Allemagne dans la “pire crise économique et sociale” depuis la Seconde Guerre mondiale, la mise en péril de l’industrie, et la perte de centaines de milliers d’emplois. Il plaide pour une déconnexion des réseaux russes graduelle pour éviter le choc. Le devoir de l’Europe est-il d’assécher le budget russe maintenant, ou de sauvegarder sa puissance industrielle, économique et sociale pour assurer la défense de l’Ukraine – et, demain, de la Moldavie?
L’analyse du processus décisionnel européen ces dernières semaines fait apparaître un constat éclatant : face à l’agression russe, l’UE s’est surprise elle-même à parler d’une même voix et à réagir à une vitesse inattendue. Choquée par le retour de la guerre en Europe, elle a bouleversé les procédures et brisé le tabou de son engagement stratégique. Retour sur un mois cardinal pour cette Europe brutalement tirée de son sommeil géopolitique.
L’annonce faite par les autorités russes ce 29 mars d’une réduction des opérations militaires sur Kiev et Chernigiv constitue la première inflexion en ce sens depuis le début de la guerre. Elle entrouvre la réflexion sur la manière dont ce conflit pourrait s’achever, ou s’enliser. A cet égard, l’expérience des conflits gelés en Europe orientale offre un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler l’après-guerre européen.